
Situer le Nord : circulations franco-nordiques (1870–1940)
Journée d'étude internationale le 10 avril 2026 à Paris.
Date limite d'envoi de propositions : le 21 novembre 2025.
Organisatrices :
Dina Eikeland, doctorante (HiCSA, Paris 1) et Victoria Grigorenko, doctorante (ENS)
Chargées d'études et de recherche à l'INHA
Comité scientifique :
CARCREFF Alessandra, Université de Strasbourg, laboratoire MGNE – mondes germaniques et nord-européens
HINNERS Linda, Nationalmuseum, Stockholm
PARKINSON Nick, chercheur indépendant
POZNER Valérie, CNRS
Situer le Nord : circulations franco-nordiques (1870–1940)
Le « Nord », tantôt envisagé comme concept esthétique et historiographique dans l’histoire de l’art, tantôt comme réalité géographique, culturelle ou météorologique vécue par les artistes de la région, a longtemps fasciné les historien·ne·s de l’art. Désigné parfois sous le terme de « boréalisme » (Briens, 2016), il s’agit d’une construction mouvante dont la polysémie maintient les idées vagues d’un espace lointain au climat aride, transposé sur les œuvres de ses peintres. Cependant, au-delà de ces lieux communs apparaissent les contours d’une autre réalité : celle d’un Nord mouvant et actif où artistes, historiens et collectionneurs d’art s’impliquent dans les grands débats esthétiques, historiographiques et muséologiques à un moment charnière de notre discipline. Venant des pays Scandinaves, de la Finlande, de la Russie et des Pays Baltes (Léouzon Le Duc 1886 ; Delavaud 1911), ces figures tissent des liens entre elles et prennent part à la professionnalisation et à l’internationalisation de l’histoire de l’art. Alors que l’histoire de l’art s’ouvre aux enjeux d’histoire globale (Kaufmann, Dossin & Joyeux-Prunet, 2015), dépasser l’idée d’un « Nord » lointain et exotique devient essentiel afin d’accorder aux acteurs·ices des mondes de l’art de ces pays leur juste place dans la structure internationale de circulations et de transferts.
Si de nombreux travaux se sont penchés sur les échanges franco-scandinaves ou franco-russes, rares sont ceux qui envisagent ces relations dans une perspective polycentrique, alors même que la Finlande, la Scandinavie et la Russie se rencontrent souvent autour de la France comme point de référence.
Citons quelques exemples : En octobre 1911, l’historien de l’art français Louis Réau (1881-1961) devient le premier directeur de l’Institut français à Saint-Pétersbourg. L’année d’après, il organise L’Exposition Centennale d’Art français (1812-1912) au Palais Youssoupov, un « éphémère musée français improvisé pour quelques semaines dans les neiges de l’hiver russe » (Monod, 1912). Cette exposition a, à son tour, servi de modèle pour les expositions d’art français à Copenhague et à Stockholm en 1914 et 1917. Ensuite, la trajectoire du peintre norvégien Henrik Sørensen (1882–1962), entre son passage par l’atelier de Matisse et son attrait pour l’avant-garde parisienne dans les années 1910–1920, puis sa réorientation politique vers l’Union soviétique et son projet d’un art socialiste dans les années 1930, illustre les déplacements du centre de gravité artistique en Scandinavie au début du XXe siècle (Brantzæg, 2006 ; 2023). Enfin, en 1928, lors de l’exposition d’art suédois dans la capitale estonienne, première grande manifestation d’art étranger dans le pays, le critique Jaan Pert (1899-1853) note l’absence de référence germaniques, y décelant plutôt une inspiration parisienne.
Les récentes expositions à la Fondation Louis Vuitton sur la collection Morozov en 2021 et au Nationalmuseum à Stockholm sur Bonnard et le Nord [Bonnard och Norden] le démontrent, les questions de circulations entre la France et les pays du Nord continuent à interpeller nos collègues. Or, à l’exception de la 9ème édition du Festival d’histoire de l’art en 2019, portant sur les pays nordiques, les communautés françaises d’historien·ne·s de l’art ont rarement eu l’occasion de se réunir pour interroger ensemble les nombreux exemples de contacts culturels et artistiques entre la France et les pays du Nord depuis le XIXe siècle. Au moment où les grands musées parisiens multiplient les hommages aux artistes nordiques, cette journée d’études entend fédérer historien·ne·s de l’art, de la mode, de la danse, du cinéma et de la photographie autour des questions de circulation culturelle entre la France et le Nord, afin de replacer cette sphère géographique au cœur de l’actualité de la recherche en France.
Axes
En fonction des orientations, les propositions pourront aborder les thèmes suivants :
- Les réseaux de collectionneurs, de marchands d’art et d’intellectuels entre la France, les Pays Baltes, la Russie/l’Union soviétique et la Fenno-Scandinavie
- Le rôle des acteurs de la diplomatie culturelle dans la circulation d’œuvres et d’idées entre la France et les pays du Nord
- Les communautés d’artistes se situant à la frontière de la France, des Pays Baltes, de la Fenno-Scandinavie et de la Russie
- Études des supports de ces circulations : revues, cinéma, tournées de compagnies de danse, expositions, séjours d’artistes etc.
Propositions
Les propositions de communication devront nous parvenir avant le 21 novembre 2025 sous forme :
- d’un titre provisoire
- d’une problématique résumée (300 mots maximum)
- d’une courte biographie (150 mots maximum)
envoyées par courriel à dina.eikeland@inha.fr et à victoria.grigorenko@inha.fr
Cette journée d’études constitue le premier volet d’une série de rencontres scientifiques consacrées aux circulations artistiques et culturelles entre la France et les pays du Nord de l’Europe. Elle a pour ambition d’ouvrir un espace de réflexion durable sur les interconnexions franco-nordiques, dans une perspective transnationale et pluridisciplinaire.
Les participant·e·s sont encouragé·e·s à solliciter la prise en charge de leurs frais de transport et d’hébergement auprès de leur institution de rattachement.
Sources
BRANDTZÆG Kari J., «Henrik Sørensen og Willi Midelfart: Kunst og kulturformidling mellom Sovjet og Norge på 1930-tallet », Kunst og Kultur, Vol. 89, no. 3, p. 162-181.
BRANDTZÆG Kari J., Henrik Sørensen og mellomkrigstidens tendenskunst i et transnasjonalt avantgardeperspektiv, thèse de doctorat, Université d’Oslo, 2023.
BRIENS Sylvain, « Boréalisme. Le Nord comme espace discursif », Études Germaniques, Vol. 71, no. 2, 2016, p. 179-188.
DELAVAUD Louis, Les Français dans le Nord. Notes sur les premières relations de la France avec les Royaumes Scandinaves et la Russie septentrionale, depuis l’Antiquité, jusqu’à la fin du XVIe siècle, Rouen, Imprimerie E. Cagniard, 1911.
KAUFMANN Thomas DaCosta, DOSSIN Cathérine & JOYEUX-PRUNEL Béatrice (dir.), Circulations in the global history of art, Farnham, Ashgate, 2015.
LEOUZON LE DUC Louis, Souvenirs et impressions de voyage dans les pays du nord de l’Europe : Suède, Finlande, Danemark, Russie, Paris, Libraire Ch. Delagrave, 1886.
MONOD François, « L’exposition centennale de l’art français à Saint-Pétersbourg (premier article) », Gazette des Beaux-Arts, 1912, Vol. 54, no. 1, p. 191-198.
Comité scientifique :
- CARCREFF Alessandra, Université de Strasbourg, laboratoire MGNE – mondes germaniques et nord-européens
- HINNERS Linda, Nationalmuseum, Stockholm
- PARKINSON Nick, chercheur indépendant
- POZNER Valérie, CNRS
Situating the North: Franco-Nordic circulations (1870–1940)
The “North,” alternately conceived as an aesthetic and historiographical construct in art history, or as a geographical, cultural, or meteorological reality experienced by artists in the region, has long fascinated art historians. Sometimes referred to as “borealism” (Briens, 2016), it is a shifting construct whose polysemy sustains vague notions of a distant space with an arid climate, transposed onto the works of its painters. Despite the persistence of these clichés, an active and dynamic North existes, in which artists, historians, and art collectors from northern countries, including Scandinavia, Finland, Russia, and the Baltic States (Léouzon Le Duc 1886; Delavaud 1911) were often engaged with, and occasionally positioned at the heart of the aesthetic, historiographical, and museological debates at a time when art history was becoming a professional discipline. As art history opens up to global historical issues (Kaufmann, Dossin & Joyeux-Prunet, 2015), it is crucial to move beyond the idea of a distant and exotic “North” in order to give the actors in the art worlds of these countries their rightful place in the international structure of circulation and transfer.
While many studies have focused on Franco-Scandinavian or Franco-Russian exchanges, few have considered these relationships from a polycentric perspective, even though Finland, the Scandinavian countries and Russia often converged around France.
Here are a few examples: In October 1911, French art historian Louis Réau (1881-1961) became the first director of the French Institute in Saint Petersburg. The following year, he organized the Centennial Exhibition of French Art (1812-1912) at the Yusupov Palace, a “fleeting French museum, improvised for a few weeks amid the snows of the Russian winter” (Monod, 1912). This exhibition, in turn, served as a model for French art exhibitions in Copenhagen and Stockholm in 1914 and 1917. The trajectory of Norwegian painter Henrik Sørensen (1882–1962) – from his time in Matisse’s studio and his engagement with the Parisian avant-garde in the 1910s–1920s, to his political reorientation towards the Soviet Union and its project of a socialist art in the 1930s – illustrates the shifting artistic centers of gravity in Scandinavia in the early twentieth century (Brantzæg, 2006 ; 2023). Finally, in 1928, at the exhibition of Swedish art in the Estonian capital, the first major presentation of foreign art in the country, the critic Jaan Pert (1899–1953) noted the absence of German references, perceiving instead a Parisian inspiration.
As demonstrated by recent exhibitions at the Louis Vuitton Foundation on the Morozov collection in 2021 and at the Nationalmuseum in Stockholm on Bonnard and the North [Bonnard och Norden], artistic circulations between France and the Nordic countries continue to engage our colleagues. However, apart from the 9th edition of the Festival d'histoire de l'art in 2019, which focused on the Nordic countries, French art historians have rarely come together to discuss and examine the many examples of cultural and artistic contacts between France and the Nordic countries since the 19th century. At a time when the major Parisian museums are multiplying their tributes to Nordic artists, this study day aims to bring together historians of art, fashion, dance, cinema, and photography around issues of cultural exchange between France and the North, to reassert the importance of this geographical sphere at the heart of current research in France.
Depending on the focus, proposals may address the following themes:
• Networks of collectors, art dealers, and intellectuals between France, Russia/The Soviet union, and Fennoscandia
• The role of cultural diplomacy actors in the circulation of works and ideas between France and the Nordic states
• Artist communities located on the border between France, Fennoscandia, the Baltic States and Russia
• Studies of the media supporting these circulations: journals, cinema, dance company tours, exhibitions, artist residencies, etc.
Proposals
Proposals for papers must be submitted by November 21 in the following format:
• a provisional title
• a summary of the topic (300 words maximum)
• a short biography (150 words maximum)
sent by email to dina.eikeland@inha.fr and victoria.grigorenko@inha.fr
This study day marks the first in a series of scholarly events dedicated to artistic and cultural circulations between France and the countries of Northern Europe. It aims to establish a sustained forum for exploring Franco-Nordic interconnections from a transnational and interdisciplinary perspective.
Participants are kindly encouraged to seek funding and accommodation from their home institutions.
Sources:
BRANDTZÆG Kari J., «Henrik Sørensen og Willi Midelfart: Kunst og kulturformidling mellom Sovjet og Norge på 1930-tallet », Kunst og Kultur, Vol. 89, no. 3, p. 162-181.
BRANDTZÆG Kari J., Henrik Sørensen og mellomkrigstidens tendenskunst i et transnasjonalt avantgardeperspektiv, thèse de doctorat, Université d’Oslo, 2023.
BRIENS Sylvain, « Boréalisme. Le Nord comme espace discursif », Études Germaniques, Vol. 71, no. 2, 2016, p. 179-188.
DELAVAUD Louis, Les Français dans le Nord. Notes sur les premières relations de la France avec les Royaumes Scandinaves et la Russie septentrionale, depuis l’Antiquité, jusqu’à la fin du XVIe siècle, Rouen, Imprimerie E. Cagniard, 1911.
KAUFMANN Thomas DaCosta, DOSSIN Cathérine & JOYEUX-PRUNEL Béatrice (ed.), Circulations in the global history of art, Farnham, Ashgate, 2015.
LEOUZON LE DUC Louis, Souvenirs et impressions de voyage dans les pays du nord de l’Europe : Suède, Finlande, Danemark, Russie, Paris, Libraire Ch. Delagrave, 1886.
MONOD François, « L’exposition centennale de l’art français à Saint-Pétersbourg (premier article) », Gazette des Beaux-Arts, 1912, Vol. 54, no. 1, p. 191-198.
Scientific Committee:
CARCREFF Alessandra, Université de Strasbourg, laboratoire MGNE – mondes germaniques et nord-européens
HINNERS Linda, Nationalmuseum, Stockholm
PARKINSON Nick, chercheur indépendant
POZNER Valérie, CNRS
EIKELAND Dina , doctorante (HiCSA, Paris 1)
GRIGORENKO Victoria, doctorante (ENS)