Soutenance de thèse / Adrian Kammarti / « Contre (…), tout contre » : le discours anti-mode en France (1780-1980)
L’ED 441 a le plaisir de vous inviter à la soutenance de thèse d’Adrian Kammarti, préparée sous la direction de Pascal Rousseau :
« Contre (…), tout contre » : le discours anti-mode en France (1780-1980)
17 décembre 2025
14h00
Institut Français de la Mode (34 quai d’Austerlitz. 751013), Salle 1.11
Jury
Ariane Fennetaux, professeure
Carlo Marco Belfanti, professeur
Émilie Hammen, professeure junior
Pascal Rousseau, professeur
Résumé
Cette thèse propose une première recension du discours anti-mode en France, entre 1780 et 1980. Se réclamant de l’histoire des idées, elle vise à repérer les différentes critiques adressées à la mode sur cette période afin d’en émettre une typologie et d’en cerner les principales inflexions. Sur la base d’une diversité de champs disciplinaires et de sources, cinq grandes formations discursives se dégagent, suivant l’évolution des conditions matérielles. Entre la fin du XVIIIe siècle et les années 1840, la critique politique de la mode en dénonce les aspects inégalitaires. Dans un contexte d’évolution des conditions de production et de consommation, émerge une réflexion sur la légitimité de l’inégalité face aux apparences. Discours révolutionnaire et premiers socialismes cherchent à penser les fondements d’un système vestimentaire nouveau, conciliant apparences et égalité. L’industrialisation du secteur textile et la diffusion progressive de la confection poussent à l’apparition d’un nouveau complexe discursif à partir des années 1840. Cette critique socio-économique de la mode vise à pointer l’aliénation du travailleur que sa diffusion suppose, en même temps que ses effets sur ses consommateurs. La Belle Époque voit de façon concomitante l’intensification de la critique hygiéniste. Discours médical et naturiste s’intéressent aux effets du vêtement de mode sur le corps des individus en réponse à un accroissement de la contrainte exercée par le corset et de conditions démographiques défavorables. Ces critiques défendent l’idée que le port du corset participerait d’un processus plus général de dégénérescence, qu’il s’agit de contredire par l’établissement d’un nouveau corpus de normes. Le début du XXe siècle se caractérise au contraire par une évolution de la silhouette féminine en faveur de son allégement et d’un dévoilement croissant du corps. Pour y répondre, se développe une critique morale de la mode, qui prend forme au départ dans les rangs chrétiens. Elle souhaite en dénoncer la dimension immodeste et à rattacher le développement de ces modes nouvelles à une entreprise de démoralisation de la femme chrétienne. Cette critique se retrouve sous la Révolution nationale, quand les discours pétainistes tentent d’expliquer la défaite française par un relâchement de la moralité féminine caractéristique de la période de l’entre-deux-guerres. Alors qu’un nouveau palier de démocratisation matérielle est franchi avec l’apparition du prêt-à-porter, se cristallise enfin dans la période de l’après-guerre une critique libertaire de la mode. Il s’agit pour ses discours, en provenance du champ militant, des sciences humaines ou contre-culturel, de défendre l’idée que sa prise en charge par l’économie capitaliste et sa massification contribuerait à un processus d’uniformisation vestimentaire et signerait la fin de toute réelle possibilité de distinction.
Mots-clés : anti-mode, mode, discours, histoire des idées, critique